La Corse, une identité bio
Le 23/07/2020
La Corse est la région française qui, en pourcentage, compte la plus grande surface agricole bio. Les productions végétales prennent le pas sur l’animal. Fierté de l’île, les agrumes font la joie des continentaux. Et rêvent mêmede s’exporter plus loin… Retrouvez notre Série d’été dans la rubrique Actualités de Biocoop.fr pour éclairer le monde d’après à bâtir ensemble.
Par Marie-Pierre Chavel
Certains y vont pour ses plages de rêve. Nous, c’est (aussi) pour sa bio que l’on voulait aller en Corse. Mais le coronavirus a interdit le déplacement. Alors, c’est l’oreille collée au téléphone que l’on fait ce reportage. Et que l’on se laisse conter par ses habitants la riche plaine orientale à l’est, verdie par les vergers d’agrumes, les petites parcelles du sud plus faciles à valoriser en maraîchage, la vigne tout autour de l’île depuis l’Antiquité…
En entendant « l’île préservée », « le terroir d’excellence », « l’attachement aux terres familiales », on comprend que la bio resserre un lien déjà fort avec le terroir. Le vignoble le dit avec neuf appellations d’origine protégée (AOP) affichant leur caractère et une part bio qui s’élève déjà à 26 % environ.
« En dehors des grandes exploitations de la plaine orientale dont la taille rend la conversion en bio plus difficile, chaque AOP souhaiterait l’être à 100%, comme à Calvi », assure Émilie Claudet, de l’interprofession Inter Bio Corse.
«Aujourd’hui, les vignobles préfèrent la qualité aux rendements, avec des cépages locaux », explique Pierre Richarme, du domaine Pero Longo, dont les « vins identitaires », en AOP Sartène, sont en biodynamie depuis 2000.
L’ÎLE AUX AGRUMES
L’agriculture insulaire a connu un renouveau il y a une quinzaine d’années. « Avant, les producteurs produisaient et la coopérative faisait le reste. Maintenant, ils ont leurs outils de conditionnement et de commercialisation, expose Patrick Berghman, agrumiculteur bio depuis 30 ans à Puntimoso et vice-président d’Inter Bio Corse. Notre agriculture est devenue performante. » La bio a suivi.
Depuis 4 ans, elle progresse de 20 % chaque année, soutenue par un climat tempéré et par la viticulture et l’arboriculture, ses principales productions. Les fruits – agrumes, kiwis, noisettes… – partent majoritairement sur le continent.
En vedette, la clémentine au goût acidulé et au « petit cul vert », Indication géographique protégée depuis 2007. « L’IGP a été un gros booster. Avant, on a eu desmoments très durs, beaucoup d’entre nous arrêtaient», reconnaît Jean-André Cardosi, agrumiculteur bio sur 60 hectares à Linguizzetta, évoquant la concurrence espagnole qui à partir des années 70 a déstabilisé la production îlienne. La parade a été la bio et la diversification, notamment avec le pomelo (60 % en bio).
Un clémentinier met au moins cinq ans avant de produire, alors les producteurs se sont relevés lentement. Mais sûrement.
UNE CLÉMENTINE FRANÇAISE !
Biocoop a commencé à distribuer des agrumes corses dès les années 1990, leur apportant une aide bienvenue, selon Patrick Berghman, fournisseur de la première heure. Depuis, de novembre à février, la clémentine de Corse a une place prépondérante dans tous les magasins du réseau. L’année dernière, la coopérative d’agrumiculteurs La Capic a intégré un de ses groupements de Paysans associés, Uni-Vert, dans le Gard.
« Uni-Vert nous apporte un débouché sûr, un label en commerce équitable, la possibilité d’embaucher en CDI… », égrène Jean-André Cardosi, habitué à travailler surtout avec des intérimaires qu’il faut à chaque fois former. De son côté, la coopérative apprécie de pouvoir augmenter sa gamme de fruits d’hiver.
« Les agrumes sont de toute beauté. La Corse peut avoir des projets ambitieux », assure Nordine Arfaoui, directeur d’Uni-Vert, envisageant de nouvelles plantations avec les nouveaux adhérents. L’avocat est déjà prévu.
LA LEVÉE DU MARAÎCHAGE BIO
Même s’il connaît une nette progression en bio, le maraîchage, lui, reste sur l’île. En Haute-Corse comme en Corse-du-Sud, les fermes produisent et vendent en circuits courts surtout des légumes d’été.
« Au début en 2016, j’avais peu de fournisseurs locaux, ils ne connaissaient pas le réseau, se méfiaient, se souvient Tino Torre, gérant de l’unique magasin Biocoop de Corse, à Ajaccio. Mais beaucoup de jeunes ont démarré en même temps que moi. Il y a maintenant une belle dynamique. » Il travaille actuellement avec une soixantaine de producteurs.
Pas de lait de vache : le bovin est traditionnellement réservé à la viande. D’une manière générale, l’élevage bio n’est pas très développé sur l’île où l’autonomie alimentaire est difficile, et faire venir des aliments bio du continent a un coût. Les agrumiculteurs connaissent le même problème avec les indispensables fertilisants et autres fournitures.
Mais la tendance est à l’optimisme. « La demande croissante de bio et de local permet d’imaginer que toute la Corse pourrait passer en bio, analyse Patrick Berghman. On pourrait aussi envisager nos agrumes sur le marché européen. » Pour faire rayonner l’identité corse.
LE PLUS BIOCOOP
Magasin
Biocoop Del Pellegrino, 145 m² au cœur d’Ajaccio, fait travailler près de 60 producteurs locaux.
Groupement associé
La coopérative Uni-vert, sociétaire de Biocoop, installée dans le Gard, compte parmi ses adhérents 15 agrumiculteurs de Haute-Corse, devenus ainsi des Paysans associés.
Retrouvez ce reportage dans le n° 112 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger ici.